
“Un instant, j’ai rêvé !”, LE BILLET D’AYMERIC
Dimanche midi, dans le bus 289, j’étais, portable à la main, enchainant les messages pour donner rendez-vous aux amis, les vrais, ceux avec qui j’ai partagé tellement de moments, tellement d’émotions depuis tant d’années de galères et de combats… C’est alors que je me rendais compte, un peu stupéfait, que la majorité des voyageurs de ce bus qui m’emmenait de Meudon à la Porte de Saint Cloud était rempli de touristes étrangers !
Après tout, les vacances à Paris venaient de débuter, alors pourquoi pas à l’étranger!

J’avais beau chercher un monument à visiter Porte de Saint Cloud, excepté notre temple des lumières, le Parc des Princes, je n’en voyais pas d’autre !
Et bien oui, ces hordes de touristes se dirigeaient toutes vers le Parc, pour aller assister à la réception de Lille par le PSG.
Pas un seul de ces touristes ne devait être capable de situer Lille sur une carte, mais cette rencontre faisait sans doute partie intégrante de leur séjour touristique parisien.
Ils venaient au Parc des Princes comme ils avaient dû, plus tôt dans la semaine, aller visiter la Tour Eiffel, les Champs-Elysées, l’Arc de triomphe, le Louvre ou encore le château de Versailles.
Il était bientôt 13 heures, ils avaient au programme du jour la visite du Parc des Princes et une croisière en bateau mouche. Quelle belle journée !
En remontant le boulevard Murat pour rejoindre les “Deux Stades” puis le virage Auteuil, je croisais ou dépassais successivement, des américains, des grecs, des allemands, des chinois et des argentins arborant le maillot de Messi sur le dos, mais pas celui du PSG !
Je ne reconnais plus le public du Parc, tous ces gens aussi sympathiques qu’ils soient, ne sont pas là pour notre club et n’ont pas conscience de la situation sportive actuelle.
Que savent-ils de notre histoire? Que savent-ils de nos couleurs, de nos valeurs, de notre identité ? Connaissent-ils nos joueurs à part Messi, Neymar et Mbappé ?
Rien, ils ne connaissent rien et ne savent rien ! Dans quelques minutes, ils vont investir les travées de mon Parc sans savoir où ils mettent les pieds.
Pour eux quelle différence y a-t-il entre s’asseoir en Borelli, Paris, quart de virage, Boulogne ou Auteuil ? Aucune. Ah si, le prix du billet ! Ou peut-être la proximité de la pelouse et des joueurs afin de pouvoir filmer ou prendre des photos, le but ultime de la promenade, de la visite.
Voilà ce qu’est devenu une grande partie du public du Parc : de gentils clients consommateurs, attirés par le spectacle et les paillettes. Aucun stress, que du strass, pas de soucis du résultat, pas d’impatience pour connaitre la composition de l’équipe, le système de jeu et aucun investissement dans l’animation des tribunes pour pousser l’équipe à la victoire.
La fois dernière en arrivant au stade pour PSG-BAYERN, un vénézuélien un peu perdu, me demandait son chemin en me montrant sur son portable sa place. Je regardais machinalement et en lisant AUTEUIL, j’avoue avoir eu envie de l’envoyer porte de Clignancourt plutôt que Porte de Saint Cloud ! Comme un enfant qui ne veut pas partager son jouet neuf qu’il vient d’avoir à Noël, je n’avais pas envie de partager mon virage ! C’est finalement devant le virage que je l’abandonnais…
Mais ce dimanche de PSG-Lille, à peine arrivé en tribune, je me retrouvais au milieu d’américains, hamburger à la main, se photographiant partout et sous toutes les coutures !
Des chinois avaient aussi atterri là, mélangés aux ultras où ce qu’il en reste…
Un rang devant moi se trouvait une famille avec de jeunes enfants surpris, dès le début du match, par le bruit, les chants, les réactions et les quelques “noms d’oiseaux. La présence de ces familles au Parc est légitime mais pas à cette place dans cette tribune aussi populaire que spécifique.
Et pourtant, ces touristes , ces familles, ces jeunes enfants sont-ils responsables de ces situations parfois gênantes ? Non.
La faute à qui ? Sans doute aux mentalités qui ont changé avec le football moderne. Les population des tribunes ont, elles aussi, été modifiées, remplaçant progressivement la PASSION par la CONSOMMATION ! Mais le club est lui aussi responsable de cette situation en ayant mis en place une billetterie laissant libre la revente et l’achat des places des abonnés.
Certains ont trouvé là, un business leur permettant de faire des bénéfices sur le dos de l’âme de nos tribunes. Cette politique commerciale est parfois complètement irresponsable puisqu’elle aboutit, comme le soir de la venue d’Haïfa, à faire cohabiter des centaines de supporters adverses dans le kop de Boulogne, tribune historique, fief de la naissance du supportérisme parisien.
Cette situation aurait pu occasionner des bagarres, des blessés, des mouvements de foule… Quelle folie et quelle insulte à la mémoire et à l’histoire de cette tribune !
Même tribune, dans laquelle, des supporters parisiens se sont vus menacés d’être sortis du stade s’ils ne restaient pas assis alors que le match d’après, des argentins maillot de l’Albiceleste sur le dos étaient autorisés à chanter debout des: “Messi, Messi, Messi…” à la gloire du catalan !
Ces gens ont tous le droit d’être là, mais pas n’importe où et pas n’importe comment.
Lorsqu’on arrive dans un pays étranger ou lorsqu’on est invité chez des gens qu’on ne connait pas, on se renseigne, on observe, on respecte les coutumes et habitudes sans arriver en terrain conquis, les pieds sur la table basse du salon !

Et bien, venir au Parc c’est la même chose ! Le Parc a une histoire, une tradition, des habitudes que chacun doit respecter. Le Parc des Princes n’est pas un Parc d’attractions, c’est un lieu sacré, pour nous les historiques, où chaque pierre, chaque morceau de pelouse et chaque odeur nous rappellent quelque chose.
Aujourd’hui le Parc meurt à petit feu, le “Dieu argent” a remplacé le “Dieu PASSION” et les défenseurs du temple, que nous sommes, sont considérés comme de vieux fous ou conservateurs qui ne comprennent rien ! Combien de fois ai-je entendu: ” Le Parc ne vous appartient pas ! ” ” Le PSG continuera sans vous, si vous n’êtes pas contents, cassez-vous ! “.
Quelle manque de reconnaissance, nous qui avons tout donné, tout sacrifié parfois pour grandir aux côtés de ce stade ! Qu’on le veuille ou non, nous faisons partie de l’histoire et de l’identité du Parc et du PSG.
Alors quand dimanche, menés une fois encore par notre visiteur du jour, le virage commençait à s’essouffler, le “kapo” a eu l’idée de faire appel à un chant historique, témoin de l’âge d’or de notre club. Il lança alors le célèbre “Kakabona” initié par Noah en 1996 pour la finale de la coupe des coupes, remportée face au Rapid de Vienne à Bruxelles.
Excellente idée, moi qui peste souvent de ne plus entendre de chants historiques ou de voir certains rythmes modifiés, là j’étais prêt à me casser la voix. Mais là, stupéfaction ! Nous n’étions qu’une trentaine à connaitre le chant : ” Si vous voulez gagner, jouez comme des guerriers, faites-les trembler, soyez sans pitié, yé yé yé yé yé yé… “. Constatant avec tristesse ce manque de mémoire, j’ai chanté comme jamais, tellement je voulais hurler à tous, ce devoir de mémoire et d’éducation que ces apprentis supporters, ultras ou pas, devraient faire avant de s’autoproclamer supporter du PSG. De mon côté, en criant, je faisais à ma façon, mon devoir de transmission.
Je restais tout de même dépité de cette scène surréaliste. Me sentant perdu dans mon virage, au milieu d’ultras amnésiques ou peu éduqués et de touristes reporters d’images.

C’est alors qu’une fois de plus, Mbappé est arrivé, sans se presser, le grand Mbappé, le beau Mbappé !!!
En une fraction de seconde, il avait remis le Parc anesthésié et embourgeoisé sur le chemin de la rébellion et de la folie, voir de la passion.
Ce public spectateur et inutile à l’équipe semblait désinhibé, libéré, reprenant d’une seule voix tous les chants entonnés et poussant les 11 parisiens à partir à l’assaut du but Lillois.
Je retrouvais un peu le Parc, mon Parc, celui qui avait pour mission de faire trembler et douter l’adversaire, celui qui décuplait les forces de nos joueurs, du plus besogneux à la plus grande star !
Et la 95ème minute arriva. Messi, fantomatique, inexistant, donnant l’impression d’être à côté de ses partenaires sans faire partie de l’équipe, sans réaction, sans sentiment, frappait alors l’ultime coup franc que je vis toucher le poteau et entrer dans le but. Tout cela au ralenti et là : un instant j’ai rêvé !

Il n’y avait plus un bruit, je n’entendais plus rien, le Parc tremblait, j’étais en lévitation malgré l’agitation et l’effervescence autour de moi.
Gautier, mon meilleur ami, mon troisième frère, compagnon de tous les plus beaux moments de ma vie comme des plus grandes galères et surtout mon jumeau comme ultra du PSG, était déjà dans mes bras, son fils aussi, à nous serrer de toutes nos forces.
A ce moment, plus de souci, la vie s’arrête et tous ces inconnus deviennent subitement des frères d’armes ! Puis ce sont les cris, les hurlements primaires de libération, de satisfaction après toutes ces minutes de frustration.
On se tape le cœur qui arbore fièrement notre blason en signe d’appartenance à notre PSG. On serre les poings, on s’embrasse, on se pousse, on se secoue!!!
Et puis on reprend notre souffle. Le coup de sifflet final nous donne alors le droit de nous asseoir et de nous écrouler de bonheur, épuisés. C’est souvent que, pendant quelques minutes, on reste en silence à contempler comme rassasiés, ce Parc qu’on aime tant, le sentiment du devoir accompli. On savoure.
On en profite pour tout mémoriser à tout jamais pour ne rien oublier le jour où on racontera ce dimanche et cette énième match auquel nous avons participé nous aussi.
“Tu te souviens PSG-Lille le 4-3?”, ” Oui j’y étais…”
L’espace de quelques minutes, j’ai revécu une émotion indescriptible et impossible à vraiment définir, mais une sensation déjà vécue avant 2010 l’année où mon Parc est mort !
Dimanche, pendant quelques minutes, j’ai rêvé avoir retrouvé mon Parc, mais hélas déjà dans les escaliers qui me faisaient quitter le virage, la redescente d’adrénaline faisait son effet, j’entendais de nouveau parler mille langues me croyant en séjour Erasmus plutôt qu’au Parc.
La sécurité demandait de quitter rapidement les tribunes, même pas le temps de partager encore un peu, de profiter non il fallait partir dans l’anonymat au milieu de consommateurs plus pressés d’aller acheter un maillot noir ou rose de la collection printemps- été de chez Zara plutôt que de refaire le match ou de rentrer en sifflotant nos chants. Oui, tout cela n’était qu’un rêve, mon Parc est bel et bien mort en 2010 et jamais il ne redeviendra comme avant !
Mais, secrètement, je me dis: vivement quand même le prochain rêve !