ON REFAIT PSG-BAYERN AVEC LE CONSULTANT PATRICK JUILLARD

Consultant football pour les radios Europe 1 et RFI, Patrick Juillard a accepté de revenir pour nous sur le PSG-Bayern de mardi soir et de nous partager sa lecture de la crise de résultats que traverse l’équipe parisienne. Un entretien fleuve à déguster sans modération.

Qu’avez-vous pensé du retour au 4-4-2 à plat ?

Que Galtier revienne à son schéma favori, pour se rassurer, ne m’a pas étonné du tout. J’ai été beaucoup plus surpris par le positionnement de certains joueurs. Je n’ai pas compris qu’un jeune talent comme Zaïre-Emery soit sacrifié sur le côté droit, alors qu’il a le profil d’un milieu box to box. Quant à Soler à gauche, ce n’a pas été ça non plus. Pour avoir un 4-4-2 un peu plus ambitieux, j’aurais plutôt opté pour un Nuno Mendes placé un cran plus haut et déchargé des tâches défensives avec un Bernat derrière lui. Le Portugais a non seulement été bridé offensivement mais également très exposé défensivement.

En terme de collectif, ce n’était pas un naufrage en première période. Il est évident que de jouer bloc bas avec deux lignes de quatre resserrées apportait une certaine sécurité à l’équipe, notamment pour un Sergio Ramos plutôt à son aise. Mais je trouve décevant pour le PSG de proposer si peu dans le jeu dans un match de cette importance et à domicile qui plus est. Cela souligne encore une fois l’énorme Mbappé-dépendance de cette équipe. Quand il est absent, il ne reste pas grand chose. Le PSG n’a pas affronté un grand Bayern. C’est peut-être une bonne année pour les rencontrer en Ligue des Champions. Alors oui, le PSG est encore en vie, être mené d’un but n’est pas irrémédiable, mais il n’y a pas lieu de se satisfaire de cela. Compte tenu des ambitions du club, c’est quand même décevant.

Vous avez-fait un tweet ironique pendant le match sur Gianluigi Donnarumma, suite à son erreur sur le but marqué par Kingsley Coman. Pouvez-vous préciser votre pensée ?

Je n’ai jamais cru à la théorie selon laquelle Donnarumma pourrait montrer enfin sa vraie valeur quand il ne sentirait plus le souffle de Navas. Pour moi, il n’atteindra jamais le niveau du Costaricain. Oui il prend de la place dans les buts, oui il est très bon sur sa ligne et capable de réflexes fantastiques, mais il ressemble à mes yeux à un gardien de dernier recours. Quand il est abandonné par sa défense, il est capable de sauver son équipe. Autrement, j’ai l’impression qu’il n’est pas en connexion avec ses défenseurs, qu’il a du mal à les commander à la manière des plus grands gardiens. Et puis il y a ses erreurs individuelles. Face au Bayern, il ne peut pas se permettre cette grosse faute de main sur une frappe loin d’être imparable. Il s’est déchiré et c’était violent. Jamais Navas n’aurait pris ce but.

Cela pose donc de vraies questions sur la pertinence de son recrutement que beaucoup ont appelé à l’époque « une opportunité de marché à saisir ». Je suis désolé, mais quand vous avez une Ferrari, quelle que soit son année, cela ne sert à rien d’acheter une Fiat neuve en plus. Le Bayern, par exemple, ne s’est pas dit que compte tenu de l’âge de Neuer, ce serait dommage de passer à côté du jeune et prometteur Donnarumma. Depuis le début, je ne comprends pas ce calcul fait par les dirigeants du PSG. Je n’ai rien contre lui, mais je trouve que Navas est vraiment bien au dessus même encore aujourd’hui.

Neymar et Messi se sont encore une fois retrouvés sous le feu des critiques. Qu’avez-vous pensé de leur match ?

J’ai vu deux attitudes diamétralement opposées. D’abord, un Neymar volontaire, appliqué, avec pas mal de déchet mais le bon état d’esprit. On sait que Neymar a besoin d’être fit, bien dans sa tête et dans son corps, pour jouer sur ses qualités. Là clairement, il était lourd et emprunté physiquement. Donc il a fait ce qu’il pouvait avec ses possibilités du moment. C’est à dire pas énormément.

Concernant Messi, j’ai l’impression que c’est plus un problème de déconnexion mentale. Je vais faire une comparaison un peu osée, mais cela me fait penser à Hugo Lloris qui a multiplié les mauvais matches avec Tottenham après l’annonce de sa retraite internationale avant de se blesser. Depuis qu’il a décroché le Graal avec l’Argentine et qu’il a eu cette coupure, on a l’impression que Messi n’a plus du tout la tête au PSG, qu’il est encore en lévitation et n’est jamais redescendu. Il faut bien prendre conscience de la portée de cette Coupe du Monde remportée pour le peuple argentin, cela a été une énorme déflagration. Et lui s’est retrouvé au milieu de tout ça, au centre de toutes les attentions.

A-t-il encore envie? Est-il prêt à de nouveau enclencher une dynamique de performance au bénéfice de son club ? J’ai un doute. Mardi, il a été complètement absent des débats. C’est déjà un joueur qui ne court plus beaucoup même quand il est très bon. Alors si en plus il n’est pas impliqué dans le collectif, cela fait trop peu au final. Le Messi actuel a le cerveau débranché et il faut savoir le reconnaître. A la télé, certains plans larges étaient saisissants. Il était clairement à côté de ses pompes, comme traînant son âme en peine.

Dans ces conditions, pourquoi Christophe Galtier ne tranche-t-il pas dans le vif en le remplaçant par exemple à l’heure de jeu ?

Pour QSI, en termes de marketing et de rayonnement à l’international, Messi est toujours à l’instant T la figure de proue du projet, devant Mbappé. Du coup, difficile pour son entraîneur de le sortir du onze. Il doit composer avec un contexte particulier et prendre des décisions parfois plus politiques que sportives. D’ailleurs, Galtier lui-même est un coach très politique dans sa manière de fonctionner. Il a appris un peu sur le tard à communiquer et désormais en use et en abuse. Galtier aime lancer des messages, ça a toujours été sa marque de fabrique depuis Lille. Aujourd’hui, il ne va pas prendre le risque de se couper des plus grosses stars de vestiaire. L’enjeu derrière est trop grand dans un club comme le PSG. Donc je le vois mal sortir un des trois de devant tôt dans ce genre de match. Ce sera toujours un autre qui sera remplacé. Et la faiblesse affichée par les remplaçants potentiels du secteur offensif, à l’image d’un Soler ou d’un Ekitike, le renforce certainement dans cette idée.

On savait que cette zone de turbulences post-Mondial allait arriver. C’est anormal que Galtier se retrouve autant démuni, sans solution. Ce manque d’anticipation me gêne beaucoup.

Connaissant votre attachement pour l’OGC Nice, vous aviez forcément un regard différent sur son arrivée au PSG…

Depuis le début, j’ai des doutes sur sa réussite au PSG. Le projet de QSI n’est pas si éloigné que cela de celui d’Ineos. C’est à dire mettre beaucoup d’argent sur la table, avoir un discours très ambitieux, mais au final faire des erreurs qui ne sont pas en phase avec ce qui a été annoncé. A Nice, Galtier avait pointé des manques dans l’effectif à certains postes et s’en plaignait sans jamais être entendu. A Paris, il réclame depuis le début un défenseur central de la qualité de Skriniar et il l’attend toujours. Cela montre que dans ces clubs-là, l’entraîneur est secondaire. On veut avant tout des résultats et surtout des gros joueurs pour montrer qu’on est puissant. A mon humble avis, ce n’est pas comme ça qu’on doit construire un club.

Comment expliquez-vous la crise actuelle que traverse le PSG ?

Cette saison, Galtier a perdu le fil tactiquement après un début de cycle vertueux avec son 3-5-2. A Nice, il a suffi que Gouiri s’arrête de marquer pour que la machine s’enraye. La période post Coupe du Monde a été fatale à Galtier. Avec la forme incertaine des trois stars de devant, il n’arrive plus à tenir l’équipe. Plutôt que rester sur ses plans de départ et faire des changements poste pour poste, il a hésité et tâtonné entre plusieurs systèmes de jeu. Peut-être qu’Ekitike n’a pas les moyens de remplacer Mbappé poste pour poste, mais les manques de solution en attaque interpellent sur la profondeur de banc de cet effectif.

Ce que je reproche au duo Campos-Galtier sur ces deux mercatos, c’est d’avoir ciblé des profils bien précis mais de ne pas avoir prévu de plan B. Cet hiver, on sait que ça va être compliqué de faire plier l’Inter pour Skriniar, mais qu’est-ce qui empêche le PSG de demander un prêt de Kalidou Koulibaly en difficulté à Chelsea et qui voit arriver Badiashile ? Cet été, on a beaucoup parlé du cas Scamacca en attaque, alors que Belotti était libre et avait plus de références que le buteur de Sassuolo, notamment en équipe d’Italie. Dans le recrutement, il faut parfois savoir se montrer astucieux.

On parle beaucoup du fond de jeu qui s’est gravement dégradé au fil de la saison. Quelle est la part de responsabilité de Christophe Galtier ?

Ces derniers temps, je n’ai pas vu ou lu de discours appuyés de la part de la direction pour soutenir son entraîneur. Galtier a des circonstances atténuantes au niveau de la cohérence de cet effectif, mais cela ne peut pas justifier le manque de fond de jeu cette saison, au-delà même des trois stars de devant. Une équipe qui prétend à la victoire finale en Ligue des Champions doit pouvoir montrer autre chose dans le contenu, même s’il ne dispose pas de tous ses atouts offensifs. Dans le meilleur Liverpool de Klopp, quand Salah n’était pas là, Jota le remplaçait avec succès. Ensuite, on a eu l’arrivée de Diaz pour suppléer Mané. A chaque fois, le projet de jeu restait le même.

Au PSG, on a l’impression que quand Mbappé n’est pas là, tout est remis en question. Il n’y pas de vraie idée de jeu derrière pour survivre à son absence, c’est donnons le ballon aux phénomènes de devant et espérons qu’ils fassent des miracles. Quand tout marchait bien au début, il y avait une émulation positive entre les trois de devant. Messi et Neymar démarrant la saison pied au plancher en vue de la Coupe du Monde et Mbappé qui ne voulait pas rester dans l’ombre. Cela a donné la période d’invincibilité jusqu’à la trêve. Galtier les a retrouvés tous en vrac après le Mondial, mais c’était tellement prévisible… On savait que cette zone de turbulences allait arriver. C’est anormal qu’il se retrouve autant démuni, sans solution. Ce manque d’anticipation me gêne beaucoup.

Le retour de Kylian Mbappé peut-il tout changer lors du retour à Munich ?

Évidemment qu’il représente le principal motif d’espoir pour le PSG. Avec sa vitesse, ses appels de balle, ses courses en profondeur, on a déjà entrevu combien il pouvait faire mal à sa cette défense du Bayern. Et sur le but refusé, il était présent au bon endroit au bon moment. Je ne sais pas à quel point il y a pu avoir de l’intox dans la communication du club au sujet de sa blessure. Mais la qualité de son entrée doit peut-être lui donner des regrets de ne pas avoir débuté le match. Mbappé représente à lui seul tout le paradoxe du PSG actuel. C’est une chance incroyable d’avoir un tel phénomène dans son équipe. Mais quand il est dans un mauvais soir, qu’il est bien muselé, il ne reste plus grand chose dans l’animation offensive.

Avez-vous d’autres motifs d’espoir ?

Ce qui me laisse espérer pour le PSG c’est que même en ayant eu beaucoup le ballon en première période, le Bayern n’a pas tellement mis en danger Donnarumma. Forcément, les supporters parisiens ont été déçus de voir leur équipe être jonglée de la sorte, mais en termes d’occasions franches ce n’était pas extraordinaire. Ensuite, cette saison, le Bayern est beaucoup chahuté qu’à l’accoutumée en Bundesliga et va donc devoir batailler et laisser plus de force dans les matches qui précéderont le retour à Munich.

Par ailleurs, le temps qui reste jusqu’au 8 mars va laisser la possibilité à des éléments clés comme Kimpembe, Verratti et Mbappé d’être à 100 % de leurs possibilités. Et ça peut changer beaucoup de choses dans le rapport de force. Au final, si j’étais supporter du PSG, je ne serais pas désespéré pour la qualification, mais il va quand même falloir que les planètes soient bien alignées. Et la déclaration d’après-match de Mbappé montre combien l’équilibre du vestiaire est fragile. En disant « mangez bien, dormez bien », il visait pour moi clairement certains de ses coéquipiers.

Propos recueillis par Numéro 10

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