LES VÉRITÉS DU JOURNALISTE YACINE HAMENED SUR LA CRISE AU PSG

Le journaliste de Paris United et chroniqueur pour Le Club des 5, Yacine Hamened, connu comme “Coach Yacine”, a accepté pour nous de revenir en détail sur les maux actuels du PSG. Avec son franc parler habituel.

Qu’avez-vous pensé du scénario un peu fou du PSG-LOSC de dimanche dernier ?

On a vu un début de match intéressant du PSG, concrétisé par deux buts, avec un pressing haut et des courses vers l’avant. Et puis l’équipe est retombée dans ses travers, se montrant incapable de ressortir proprement le ballon, de produire du jeu et Lille a su en profiter. En seconde période, c’était du grand n’importe quoi jusqu’aux 20 dernières minutes où tout a basculé en faveur du PSG. En termes d’émotions, j’ai envie de dire que ça faisait du bien de vivre un finish pareil, que les amoureux du club en avaient besoin, mais il faut rester lucide sur ce qui s’est passé. Tu gagnes 4-3 mais tu aurais pu aussi perdre 5-2. Au final, l’équipe ne maîtrise toujours pas son sujet, mais au moins elle a su retourner la situation et refuser la défaite de trop.

Hormis son coup-franc décisif, Leo Messi a de nouveau traversé le match comme un fantôme…

Le problème Messi, j’en parlais déjà beaucoup plus tôt dans la saison. Mais comme il avait des stats et toujours deux-trois éclairs de génie, cela sauvait les apparences. Ça me fait sourire d’écouter aujourd’hui les gens qui le défendent nous dire « Mais vous avez oublié la passe ici, le geste technique là… » Si on doit donner 40 patates par an à un type pour deux louches et trois grigris, cela commence à faire cher le joueur. Je veux bien qu’en ce moment certains fassent d’Hugo Ekitike leur tête de Turc, mais personnellement je suis beaucoup plus exigeant sur le rendement d’un Messi que d’un Ekitike.

Cela fait un moment que dans l’attitude et la production individuelle, l’Argentin ne répond plus présent. Et le dire ce n’est pas remettre toute son immense carrière en question. Lui-même a reconnu dans une interview qu’en gagnant cette Coupe du Monde, c’était un peu comme s’il avait terminé le jeu, qu’il avait réglé son compte au boss final. Donc difficile pour lui de se remettre dedans. Pourquoi des monstres comme Nadal, Federer et Djokovic ont-ils pu maintenir le même niveau d’excellence aussi longtemps ? Simplement car il y en avait toujours un pour motiver les deux autres à le rattraper sur les tablettes. A gagner un Grand Chelem de plus. Messi, lui, n’a plus Cristiano Ronaldo pour le pousser à se dépasser. Il n’a plus envie du tout.

Une 4e défaite consécutive face au LOSC aurait-elle été fatale à Christophe Galtier ?

Je n’en suis pas certain. Sur ce sujet, le PSG ne semble pas prêt à trancher tout de suite. Bien sûr qu’un nouveau revers aurait fragilisé encore davantage la position de Galtier et qu’une explication de texte aurait sans doute eu lieu en coulisse avec ses dirigeants. Mais actuellement, le club ne dispose pas des armes nécessaires, que ce soit financièrement ou concernant l’identité de son futur remplaçant, pour passer à l’action rapidement. Et sur le terrain, le déroulé de la rencontre et la joie collective au coup de sifflet final montrent que les joueurs n’ont pas encore lâché leur entraîneur.

La présence de Luis Campos sur le bord du terrain a fait beaucoup parler. Qu’en avez-vous pensé ?

Honnêtement, j’ai trouvé cela totalement malvenu compte tenu du contexte actuel. A la limite, qu’il le fasse en début de match ou bien même à la mi-temps, ok. Mais là, si je me mets deux secondes à la place de Galtier et que je vois débarquer un mec à la 76e minute, tel un sauveur, avec tout le cinéma qui s’en suit… Je me dis que je n’ai plus rien à faire avec cette personne qui remet en cause mon autorité sur les joueurs. Car si tu descends à ce moment-là du match, c’est parce que tu penses que je ne suis plus l’homme de la situation, que j’ai perdu la main. Moi, à sa place, j’aurais très mal vécu cet épisode. Ce n’était ni le bon moment ni la bonne façon de faire.

On nous a survendu le travail de Campos. A Monaco. il y avait 70 joueurs sous contrat. Forcément, on a retenu les plus-values spectaculaires avec des espoirs achetés 5 millions et revendus 80. Mais pour combien d’échecs ? Il n’exerce plus le même métier à Paris. Il n’a plus ce même droit à l’erreur.

Selon vous, les destins de Campos et Galtier sont-ils toujours liés ?

Si j’avais eu à répondre à cette question il y a dix jours, j’aurais dit « oui » sans trop d’hésitation. Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus de doutes. Quand tu vis une telle crise de résultats, certainement la pire période du club sous QSI, et que tu ne communiques pas en tant que responsable de l’équipe première sur ton entraîneur, que tu ne le soutiens pas publiquement alors que les choses vont aussi mal, cela m’interroge. Et si on rajoute à cela son comportement contre Lille, cela me laisse à penser que Campos ne lie plus forcément son avenir à celui de Galtier. La donne a peut-être changé. Il peut très bien se dire aujourd’hui qu’il faut jeter les plans initiaux à la poubelle, que cela n’a pas fonctionné, et qu’aller chercher une vraie tête d’affiche est la meilleure solution pour la saison prochaine.

Pour beaucoup de supporters, le costume était trop grand pour Christophe Galtier. Que lui reprochez-vous le plus ?

Tant que tu ne maîtrises pas encore le contexte parisien, tu es censé te faire discret, prendre d’abord le pouls du club et agir en conséquence. Pas faire le fanfaron dès ta première conférence de presse et vouloir donner des leçons sur la manière dont doit se gérer un groupe. Quand Galtier arrive et veut nous montrer d’entrée qu’il en a dans le pantalon, nous expliquer qu’avec lui tout va changer, qu’il n’y aura plus de statut et de passe-droit, qu’il va instaurer une vraie concurrence, il se tire une belle balle dans le pied. Car il a été rapidement rattrapé par la même réalité que ses prédécesseurs. Avec un discours plus humble, plus mesuré, moins prétentieux, il n’aurait pas pris un tel retour de bâton dans la figure.

Beaucoup estiment que la “MNM” ressemble à une équation impossible à résoudre. Dans cette idée, la blessure de Neymar peut-elle être un mal pour un bien dans la quête d’un meilleur équilibre d’équipe ?

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un pour mal pour un bien dans l’esprit de Galtier. Mais d’un mal tout court. Neymar a beau être un créateur, cette saison, il a, la majorité du temps, eu la bonne attitude, le bon état d’esprit, en faisant notamment les efforts défensifs pour le collectif. Ce n’est donc certainement pas lui qui posait un problème d’équilibre d’équipe. Et techniquement, son jeu offre une variété de possibilités qui bénéfice à l’animation offensive.

Une absence de Messi, par contre, aurait pu ressembler à un mal pour un bien. Car combien de fois cette saison, il te fait vraiment gagner une rencontre comme contre Lille ? Quatre fois, cinq fois ? C’est trop peu. Donc moi je préfère un joueur comme Neymar qui s’inscrit dans le collectif. D’ailleurs, sur les 50 minutes qu’il joue contre Lille, il est bien meilleur que Messi. En exagérant un peu, je me demande même si désormais Galtier ne souhaiterait pas au fond de lui ne disposer que de Kylian et d’avoir neuf joueurs à son service.

Dans le nouveau projet présenté l’été dernier, Campos devait notamment occuper la fonction de responsable du groupe professionnel. Trouvez-vous qu’il a échoué à ce niveau ?

Totalement. Que ce soit à Monaco ou à Lille, il n’a jamais eu à gérer de grosses stars et encore moins autant. Il doit aujourd’hui composer avec cet environnement-là, mais aussi avec la pression des médias et des supporters. Au Real Madrid, il occupait un rôle différent, plus en retrait, et pouvait compter sur un entraîneur du standing de Mourinho. C’était autre chose que Galtier. Il se retrouve aujourd’hui pour la première fois en première ligne dans un grand club de cette dimension. Concernant son véritable champ d’action auprès de l’équipe, je me pose certaines questions. Est-il libre de décider ? De sanctionner ? Les choses ne sont pas claires.

Avec du recul, quel regard portez-vous sur sa gestion du mercato d’été 2022 ?

Je scinderais les choses en deux parties. Il y a tout d’abord eu l’arrivée de profils ciblés ou validés par Campos, à savoir Vitinha [le 30 juin], Ekitike [le 16 juillet], Mukiele [le 26 juillet] et Renato Sanches [le 4 août]. Ensuite, sur la fin, on a assisté à un mercato d’urgence pour combler certains manques, avec des joueurs qui n’étaient pas, selon moi, des choix de Campos. Vous n’allez pas me faire croire que vous faites venir des profils voulus depuis le début en les signant le 30 août [Fabian Ruiz] et le 31 août [Soler]. Le PSG s’est rabattu sur eux car il n’a pas su concrétiser certains dossiers prioritaires.

Pour moi, plus généralement, on nous a vraiment survendu le travail de Campos dans ses précédents clubs. Je le répète assez régulièrement, mais à Monaco il y avait 70 joueurs sous contrat. Forcément, on a retenu les plus-values spectaculaires avec des espoirs achetés 5 millions et revendus 80. Mais pour combien d’échecs ? Alors oui, sur le Rocher, cela ne posait pas de problème car beaucoup d’argent rentrait dans les caisses. Mais au PSG, ce n’est pas ce qu’on te demande. Tu dois non seulement bien recruter, mais en plus faire en sorte de mettre à disposition de ton entraîneur des joueurs qui ont la capacité d’apporter immédiatement un plus à l’équipe. Campos n’exerce plus le même métier qu’avant. Il n’a plus ce même droit à l’erreur. Il doit viser juste pour rendre l’équipe compétitive tout de suite.

Demander à Ekitike de faire le pivot, c’est se tromper sur le joueur et gâcher tout son potentiel. Quand je le vois rater une simple conduite de balle, je me dis qu’ils sont en train de le “tuer”.

En êtes-vous comme d’autres à regretter Leonardo ?

Qu’on l’aime ou pas, Leonardo est un animal politique qui collait parfaitement à un club de la dimension du PSG. Campos, lui, a un côté très autoritaire, voire même obsessionnel, dans sa manière de fonctionner. C’est quelqu’un qui ne laisse rien passer. Cette recette peut marcher dans des clubs intermédiaires qui ont besoin de cette rigueur pour réussir. Mais pas au PSG où tu dois avant tout appréhender l’environnement du club, à la fois politique et médiatique, et adopter le comportement adéquat. Leonardo a fait certaines erreurs et je ne suis pas là pour le réhabiliter, mais il avait au moins compris cela. Il ne se cachait pas. Il était là pour s’exprimer dans les moments clés afin de protéger le groupe et l’entraîneur.

Personne n’a oublié la mauvaise communication de Galtier sur le sujet du vice-capitanat. Face à Lille et en l’absence de Marquinhos, c’est une nouvelle fois Kimpembe qui a porté le brassard. Et une encore fois, il est passé à travers dans cette configuration. Comment l’expliquez-vous ?

J’ai l’impression que le brassard est trop lourd à porter pour lui, compte tenu de ce que tout cela peut représenter au niveau de la symbolique, que ce soit par rapport à son statut de Titi, son attachement pour le club et sa relation particulière avec les supporters. A chaque fois que je le vois capitaine, j’ai le sentiment qu’il surjoue, qu’il veut trop en faire pour le bien de l’équipe, y compris dans sa façon de diriger ses coéquipiers. Sans doute pour être en rupture avec un Marquinhos qu’il doit trouver beaucoup trop effacé.

Au final, il sort trop rapidement de son match et n’y est plus dans son placement et dans les duels. Oui, le PSG manque cruellement de leadership sur le terrain. Oui, Presko a la force de caractère nécessaire pour assumer ce genre de responsabilités. Mais il faudrait que le reste suive. Et ce n’est que trop rarement le cas. Après je trouve qu’on en fait des caisses sur ces histoires de capitanat. Rappelez-vous Zlatan Ibrahimovic, il n’avait pas besoin d’un bout de tissu pour être le vrai patron du vestaire.

Comme vous l’avez évoqué tout à l’heure, le Ekitike bashing est à la mode ces derniers temps. Compte tenu du tarif négocié avec le stade de Reims [si le PSG termine le championnat à l’une des deux premières places, l’option d’achat d’environ 35 millions d’euros deviendra obligatoire], trouvez-vous que le club parisien s’est fait avoir dans ce dossier ?

C’est beaucoup trop tôt pour le dire. On parle d’un gamin à fort potentiel [meilleur buteur de moins de 20 ans des cinq grands championnats la saison dernière avec 10 réalisations] avec seulement une demi-saison dans les jambes et qui est passé de Reims au PSG. Je pense sincèrement que tout est allé beaucoup trop vite pour lui. Je trouve qu’il a été mal géré par son nouveau club et que lui aussi s’est perdu dans certains comportements. Si on est objectif, la gestion de son temps de jeu par Galtier a été assez catastrophique jusqu’à la trêve [15 minutes de temps de jeu moyen sur les 15 premières journées de Ligue 1]. C’est là-dessus qu’il était censé emmagasiner de la confiance et gagner celle de ses partenaires, notamment les plus prestigieux. Finalement depuis janvier, on lui a enfin donné sa chance mais le mental ne suit pas. A trop vouloir bien faire, il fait souvent n’importe quoi.

Le vrai problème d’Ekitike c’est qu’il a été recruté car il correspondait à un certain profil, mais que faute de recrutement d’un pur neuf en sortie de banc, on lui demande d’occuper un nouveau rôle qu’il ne maîtrise pas. Je comprends qu’on souhaite le faire progresser, élargir sa palette, mais lui demander de faire le pivot, c’est se tromper sur le joueur et gâcher tout son potentiel. Quand je le vois rater une simple conduite de balle, je me dis qu’ils sont en train de le “tuer”. Il est perdu sur le terrain, ne sait pas quoi faire. C’est terrible pour lui, car l’image est choquante. Pour en arriver là, il y eu une succession de choses négatives. Quand en octobre, après sa première titularisation contre Nice, Galtier pointe du doigt son comportement, c’est une erreur majeure. Tu ne peux pas allumer un joueur de la sorte sans tenir compte des conséquences.

Propos recueillis par Numéro 10

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