ENTRETIEN AVEC VAHID : « JAMAIS UN JOUEUR NE DOIT ÊTRE AU-DESSUS DU CLUB »

Ancien entraîneur du PSG de l’été 2003 à février 2005 et impérial face à l’OM sur cette période (cinq succès en cinq rencontres), Vahid Halilhodžić a accepté de nous livrer son expertise sur l’équipe parisienne, jeudi dernier, au lendemain de la défaite dans le Classique (2-1).

La victoire tactique de Tudor lors de OM-PSG

« Le plan de jeu de Tudor était de provoquer des duels dans toutes les zones du terrain avec beaucoup de marquage individuel et un pressing très haut. Le PSG n’a pas su répondre à ce défi physique et a été totalement dominé dans l’engagement et l’agressivité, comme sur le penalty concédé par Ramos [ndlr : piégé par Ünder] et le second but encaissé [après un ballon perdu par Neymar dans ses vingt mètres]. C’est inquiétant pour une équipe qui prépare un rendez-vous aussi important que mardi prochain. Mentalement, on a retrouvé une certaine fragilité qui pourrait coûter très cher face au Bayern.

Des failles adverses non exploitées

Ce qui m’a le plus surpris dans ce match, c’est l’absence de réaction des Parisiens et leur incapacité à se créer des occasions. Avec son pressing tout terrain, l’OM a choisi de mettre son organisation défensive en danger, mais le PSG n’a pas su en profiter pour lui faire mal sur attaque rapide. Il aurait fallu davantage de déplacements pour créer le décalage et aussi plus de courses vers l’avant pour prendre les espaces. Des sprints à haute intensité sur 30-40 mètres pour faire de vraies différences. En l’absence de Kylian, seuls Achraf et Nuno Mendes, sur les côtés, ont été capables de produire ce genre d’effort.

Un problème d’état d’esprit

Ces dernières années, aucun entraîneur du PSG n’a su créer un véritable esprit d’équipe, avec de la solidarité et un sens du sacrifice, pour que le collectif fasse la différence quand cela marche moins bien. Contre l’OM, avoir encore deux joueurs, Messi et Neymar, complètement inexistants dans l’animation défensive, est difficile à accepter. Du côté de Marseille, tout le monde avait la volonté de récupérer le ballon le plus vite possible. Mais je ne veux surtout pas donner de leçon à Christophe [Galtier]. Car quand vous avez un groupe avec autant de qualité individuelle, dont certains joueurs exceptionnels avec des egos aussi forts, cela rend le management plus difficile.

Un jeu trop stéréotypé

Quand Kylian n’est pas là, Neymar et Messi se cherchent encore plus souvent, ils se donnent et redonnent le ballon, car ils n’ont plus cette solution évidente dans la profondeur. Cela facilite la tâche de l’adversaire qui peut parfaitement lire le jeu du PSG. Mais je trouve aussi que les joueurs alignés au milieu manquent de personnalité et de caractère pour avoir un réal impact offensivement. J’ai l’impression qu’ils n’ont qu’une seule idée en tête : trouver Messi ou Neymar. Ils sont trop spectateurs et pas assez acteurs.

La charnière Marquinhos – Ramos

Marquinhos est un monstre à son poste, mais il semble atteint psychologiquement. Comme tous les Brésiliens, il a été très affecté par leur échec lors de la dernière Coupe du Monde et n’a peut-être pas encore digéré cette immense déception. Il a dû aussi composer avec toutes les discussions autour de sa prolongation de contrat. Cela reste tout de même un grand professionnel, toujours sérieux et appliqué. Sergio Ramos, lui, a été le meilleur défenseur du monde, mais il n’a plus son niveau d’avant. Il y a aussi son âge. Désormais, il a besoin de s’entraîner comme un fou pour rester compétitif.

Par moments, il est nécessaire d’avoir un discours plus musclé, en face à face, pour obtenir ce qu’on veut en retour

La question du capitanat

Un capitaine n’a pas forcément besoin d’être aimé, mais il doit impérativement être respecté. De tous. Marquinhos a-t-il suffisamment d’autorité et de crédibilité pour dire quelque chose à un Messi, un Neymar ou un Mbappé ? Je me pose la question. Sur le terrain, il montre des faiblesses mentales. Dans les moments difficiles, il manque quelqu’un pour réagir, donner de la voix, secouer les coéquipiers pour leur remettre la tête à l’endroit. Mais cela ne doit pas se limiter à Marquinhos. Dans un vestiaire, il faut un groupe de leaders « positifs », trois-quatre joueurs capables de montrer l’exemple et aussi de prendre leurs responsabilités quand les choses tournent mal. C’est essentiel pour l’entraîneur.

Les statuts au PSG

Jamais un joueur ne doit être au-dessus du club ou de l’équipe. C’est impossible. Par exemple, Manchester United a récemment su régler le problème Cristiano Ronaldo. Ils ont estimé que cela n’allait plus et lui on dit « merci et au-revoir ». Dans ma carrière, j’ai eu à gérer de grands joueurs comme Pauleta, Didier Drogba, Yaya Touré… J’ai souvent eu des discussions franches et sincères avec eux, parfois désagréables, mais toujours dans l’intérêt du collectif. Les remplacer quand le match l’exigeait ? Cela n’a jamais été un problème pour moi.

PSG-Bayern

Il faut préciser une chose : le PSG ne va pas affronter le Bayern qui a eu l’habitude de nous impressionner ces dernières saisons. Ils ont gardé cette identité de jeu offensive des équipes allemandes, mais ce n’est pas la même équipe qu’avec Lewandowski. Cela n’a plus rien à voir du tout. Ils n’ont pas eu que de bons résultats depuis qu’ils ont repris et ont été mis en difficulté. Mais comme il s’agit d’une grande institution, le club a permis à l’entraîneur [Julian Nagelsmann] de continuer à travailler dans la sérénité pour inverser la tendance.

Sur le papier, le PSG reste une équipe exceptionnelle. Elle se doit de réagir. Compte tenu des incertitudes autour de son effectif pour la saison prochaine, notamment pour Messi, c’est peut-être la dernière fois que ce groupe peut prétendre à la victoire finale en Ligue des Champions.

La gestion de crise pour Galtier

Christophe va certainement parler à son groupe pour tenter de le réveiller, de le remobiliser. Par moments, il est nécessaire d’avoir un discours plus musclé pour obtenir ce qu’on veut en retour. Pas à travers les journaux ou la télévision. Uniquement en face en face, entre hommes. J’ai toujours aimé pratiquer ce genre de discussion qui donne du caractère et de la cohésion à l’équipe.

Quand vous dirigez un effectif comme celui du PSG, avec tellement de grands joueurs, votre ligne de conduite doit être extrêmement cohérente. Car si vous avez une partie du vestiaire avec des privilèges et une autre sans, cela crée obligatoirement une fracture. Ça peut marcher un temps, quand les résultats sont bons, mais cela ne peut pas tenir sur la durée.

Aujourd’hui, Il faut tous être derrière Christophe. Pour sortir de ce moment difficile, il doit pouvoir compter sur le soutien de ses dirigeants. Le président et son conseiller doivent être très proches du groupe. Avoir une communication sincère et commune sur la situation et surtout gérer cette crise en interne. »

Propos recueillis par Numéro 10

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