
Entretien avec Guy Lacombe : “Paredes était largement au-dessus des milieux actuels”
L’ancien entraîneur du PSG entre décembre 2005 et janvier 2007, et vainqueur de la Coupe de France en 2006 (victoire 2-1 contre l’OM), Guy Lacombe, a accepté de nous livrer son analyse sur la défaite à Munich et sur l’équipe de manière plus générale.
Quelle est votre lecture de la défaite du PSG à Munich ?
Ce genre de rencontre se joue sur des détails. Et le PSG n’a pas su gérer certains moments clés. Il aurait dû profiter de ses quelques opportunités pour marquer. Après, sur l’ensemble du match, il n’y a pas grand chose à dire. Le Bayern était plus fort. Leur capacité a prendre les choses en main au retour des vestiaires m’a impressionné. C’est une équipe redoutable.
Je constate que la malédiction des ex-joueurs du PSG qui marquent contre leur ancien club continue. C’était déjà le cas à mon époque, à chaque fois on y avait droit. C’est tout simplement incroyable… Plus que cette élimination logique face au Bayern, Paris peut regretter sa deuxième place en phase de poule. Contre une équipe comme Bruges, par exemple, cela n’aurait pas été la même histoire.
Qu’avez-vous pensé de la prestation de Kylian Mbappé dont on attendait beaucoup plus ?
Kylian n’était pas dans un bon jour. Je l’ai trouvé peu inspiré. Sur la première action (2e minute), certes, le ballon qu’il reçoit dans la profondeur n’est pas donné dans le bon timing. Mais il a la qualité nécessaire pour faire la différence. Il a eu aussi eu un déchet technique inhabituel. Je pense notamment à son mauvais contrôle sur un très bon ballon de Messi. L’absence de Neymar s’est faite ressentir. Pour une telle affiche, on sait qu’il peut te sortir un grand match. Sans lui, on attendait beaucoup du duo Messi-Mbappé, mais il s’est retrouvé complétement isolé, impuissant. Ce qui m’a dérangé, c’est que tout repose sur eux.
L’énorme occasion de Vitinha (38e minute) a fait beaucoup parler. Quelle est votre analyse de cette situation ?
Sur le direct, je me suis dit qu’il avait mal joué le coup. Mais en revoyant l’action au ralenti, la très grande majorité des joueurs auraient fait la même chose. A savoir, tenter sa chance le plus vite possible, car le jeu l’exigeait, le but étant vide. Il aurait fallu le profil d’un Benzema ou d’un Mbappé pour s’emmener le ballon et se donner le temps de conclure. Parce que ces gars-là ont le but dans le sang. Vitinha, lui, n’a pas encore marqué avec le PSG. Donc pour moi, il réalise le geste qu’il faut, excepté un petit manque de puissance, et De Ligt fait un retour exceptionnel.
Sur l’ouverture du score du Bayern (61e minute), Christophe Galtier a davantage jeter la faute sur El Chadaille Bitshiabu que sur Marco Verratti. Pour vous qui est le premier responsable ?
Pour moi les deux sont responsables. Au lieu de jouer la sécurité et d’allonger le jeu, Bitshiabu choisit de ressortir au sol à l’intérieur du jeu en passant par Verratti. Mais il analyse mal la situation et le pressing haut du Bayern. De son côté, Verratti reçoit proprement le ballon et a la possibilité de retrouver en une touche Bitshiabu. Au lieu de cela, il contrôle et se retrouve pris dans l’étau entre Goretzka et Müller.
Quand un gamin fait une erreur, le joueur d’expérience doit être capable de la rattraper. Cela n’a pas été le cas. Surtout que dans sa carrière, Verratti a prouvé qu’il était peut-être le meilleur pour se sortir de ce genre de situation à risque. Il aurait pu faire beaucoup mieux. J’aimerais aussi souligner le pressing et l’état d’esprit exemplaire de Müller qui a fait aussi la différence sur cette action.
Qu’avez-vous pensé du coaching tardif de Christophe Galtier pour renverser la situation ?
Il faut reconnaitre que Christophe n’avait pas beaucoup de cartouches offensives parmi ses remplaçants. Si on compare son banc de touche avec celui du Bayern, il n’y avait pas photo ! Il ne disposait pas d’un joueur du calibre d’un Mané, d’un Gnabry ou encore d’un Sané pour avoir un vrai impact sur le match. Il a mis les onze meilleurs sur le terrain et a sans doute estimé que c’était avec eux qu’il avait le plus de chances d’arracher la qualification.
Auriez-vous fait débuter Marquinhos diminué et remplacé à la 36e minute ?
Compte tenu de son importance et des forces en présence à son poste, je l’aurais moi-aussi fait débuter sans aucune hésitation. D’ailleurs, on a vu un PSG avec Marquinhos et sans Marquinhos mercredi. Sans lui, cela a été beaucoup plus difficile collectivement. On en revient au problème de la profondeur de banc. A ce niveau-là, le PSG ne fait pas parti du Top 5 européen.

Après la défaite à Munich, David Ginola s’en est pris au projet de QSI, en insistant sur l’importance d’avoir un vrai collectif plutôt que de grosses individualités. Êtes-vous d’accord avec lui ?
Si l’ambition première du club n’était pas de tout gagner, mais d’avoir des joueurs spectaculaires, les dirigeants seraient parvenus à leurs fins. En revanche. pour remporter une grande compétition comme la Ligue des Champions, il y a d’autres arguments à faire valoir, notamment dans la constitution de l’effectif. Si vous prenez le Barça avec Messi ou le Real avec Cristiano, toute l’équipe était construite autour d’un joueur phare et on recherchait, autour de lui, les recrues les plus complémentaires. Au PSG, la logique voudrait que le projet sportif tourne autour de Mbappé, mais la présence de Messi et de Neymar a changé la donne.
Attention, je ne boude surtout pas mon plaisir de voir jouer ensemble la MNM. C’est extraordinaire d’avoir ces trois joueurs en Ligue 1. Mais si Paris veut vraiment se donner les moyens de ramener la Ligue des Champions, il faudra certainement imaginer autre chose. Si un entraîneur parvient un jour à trouver un équilibre durable avec ces trois joueurs-là, je lui dirai “chapeau”. Messi va sur ses 36 ans et Neymar enchaîne les blessures. Donc Kylian est le seul à te donner de vraies garanties. Franchement, l’équation paraît très compliquée.
Après, il y a aussi un vrai problème au milieu de terrain. Est-ce que les joueurs alignés ont le niveau pour évoluer avec les stars de devant ? J’ai un sérieux doute. Dans l’histoire récente du PSG, on a vu beaucoup plus fort que ça. Je pense notamment au trio Motta-Verratti-Matuidi, ou encore à un garçon comme Rabiot. Pour moi, même un Paredes était largement au-dessus de ce que je vois actuellement. Paris est un club particulier, donc il faut des joueurs particuliers. Un très bon joueur peut ne pas nécessairement réussir au PSG. Car il faut de la personnalité, du caractère et de surcroît être un compétiteur pour s’y imposer.
Beaucoup ont reproché cette saison à Christophe Galtier de ne pas remplacer les trois stars de l’attaque quand elles n‘étaient pas performantes. En auriez-vous été capable ?
Je suis obligé d’utiliser mon joker… Honnêtement, je ne peux pas répondre à ce genre de question sans être dans le secret des dieux. De l’extérieur, on voit simplement le vernis, mais il faudrait gratter pour découvrir ce qui se passe derrière : la psychologie du joueur, son comportement dans et en dehors du groupe, son investissement à l’entraînement, les retours des kinés et des préparateurs physiques… Il y a tellement de paramètres à prendre en compte. En tout cas, je trouve que Christophe a beaucoup de mérite dans ce qu’il accomplit avec cet effectif-là.
Lors de votre passage sur le banc du PSG (décembre 2005 – janvier 2007), le licenciement de Vikash Dhorasoo pour faute grave, suite à des attaques à votre égard dans la presse par rapport à sa rétrogradation en équipe réserve, a beaucoup marqué les esprits. Quel souvenir gardez-vous de cet épisode ?
Il faut rappeler une chose importante. Vikash a été licencié par le président [Alain Cayzac]. Sur le plan sportif, Vikash sortait d’une finale de Coupe de France extraordinaire avec le PSG [victoire 2-1 face à l’OM, avec un but spectaculaire de Dhorasoo], mais la Coupe du Monde qui a suivi lui a fait beaucoup de mal. Il n’a pas joué et j’ai retrouvé un Vikash totalement différent la saison suivante. C’était le début de la fin. A presque 33 ans, il n’avait plus d’essence dans le moteur et se retrouvait dans une certaine détresse mentale. S’il avait connu les staffs beaucoup plus fournis d’aujourd’hui, avec des personnes compétentes dans le domaine du suivi psychologique des sportifs, on aurait peut-être pu l’aider. Vikash avait beau avoir un statut, si je ne le faisais pas jouer, c’était pour le bien du collectif. Il était complétement en bout de course et d’ailleurs il n’a quasiment pas rejoué par la suite jusqu’à à l’arrêt de sa carrière [Après avoir été licencié par le PSG le 11 octobre 2006, Dhorasoo attendra le juin 2007 pour rejoindre le club de Livourne, en Série A, mais ne disputera aucun match officiel. Il annoncera sa retraite sportive le 11 janvier 2008].
Certains ont voulu me faire passer pour un dictateur, alors que ma décision était seulement le fruit d’une analyse très précise de la situation sur le terrain. Plus tard, j’ai fait le même constat à Rennes avec Mickaël Pagis. Il formait un duo performant avec Jimmy Briand, mais quand ce dernier s’est gravement blessé au genou, il s’est retrouvé vraiment orphelin de lui. A 36 ans, Micka excellait encore à la passe, mais il avait besoin des appels de balle de Jimmy pour exister. Résultat, il n’a plus beaucoup joué. On ne se prive pas d’un Dhorasoo ou d’un Pagis par plaisir ou pour prouver quoi que ce soit. Je l’ai fait parce que c’était nécessaire pour l’équipe. Les médias se déchaînent mais ne reconnaissent pas ensuite que les joueurs ne jouent plus.
Certains estiment justement que Sergio Ramos et Leo Messi sont aujourd’hui en bout de course au PSG et que les prolonger seraient une grave erreur. Qu’en pensez-vous ?
Christophe va devoir analyser avec son staff les données de performance de ces joueurs et prendre également la température au niveau de l’encadrement médical pour envisager la suite. Ramos a été plutôt régulier ces derniers temps, et en plus, c’est un joueur avec le caractère et le personnalité qui correspondent aux exigences d’un club comme le PSG. Si tu le conserves, tu sais que tu dois avoir une solution de rechange fiable dans ton effectif. Concernant Messi, c’est un peu différent. Pour qu’il s’exprime totalement, il a besoin de certains profils autour de lui. De joueurs qui parlent le même football. Même à son âge, cela reste un joueur d’envergure. On sent bien qu’entre Kylian et Leo cela peut fonctionner. Après, est-ce que Messi en a encore sous le pied ? C’est un paramètre que je ne maîtrise pas.
Lors de votre conflit avec Vikash Dhorasoo, vous n’aviez pas hésité à convoquer la presse pour dénoncer avec véhémence les agissements de votre joueur. Un comportement qui serait impensable aujourd’hui…
Je n’ai jamais « convoqué la presse » pour un joueur et encore moins pour Vikash. C’est à cause d’une interview que Vikash a donné à un de vos confrères que le président du PSG l’a licencié. Mais effectivement, les temps ont changé. Prenez juste la polémique sur le char à voile… Combien les médias en ont fait des tonnes. A mon époque, cela n’aurait pas fait une ligne dans le journal. Entraîner le PSG est un métier tellement difficile et il le devient encore plus quand vous commencez à perdre. Le club mérite toute l’attention médiatique qu’il reçoit, mais cela n’est pas sans conséquence sur le travail du coach en place.
16 ans après votre départ du PSG, est-ce que l’immense joie procurée par la victoire en Coupe de France contre l’OM en 2006 a pris chez vous le pas sur les critiques qui ont accompagné votre passage ?
Totalement. L’après-PSG a été difficile à vivre pour moi. J’avais l’impression d’avoir fait l’objet d’un traitement souvent injuste de la part des médias. Je crois que j’ai été un bon client pour eux… Ils ne m’ont pas épargné. Mais je me suis aussi remis en cause et cela m’a servi pour la suite de ma carrière. Au final, le PSG est un club auquel je me suis attaché. Un club que j’aime. Et aujourd’hui, comme tous les amoureux du PSG, je suis un peu frustré par les résultats en Ligue des Champions. J’aimerais les voir au firmament du football européen.
Propos recueillis par Numéro 10